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Mois : novembre 2016

Le prix littéraire Thievicz

 

Un nouveau prix a été créé : le prix Thievicz, qui récompense les meilleurs auteurs nains à pieds palmés trop peu représentés dans le monde littéraire dramatiquement nanophobe.

Bravo donc à Sylvain-René de la Verdière pour avoir réussi à accorder la taille de ses œuvres à celle de sa physionomie et de porter haut les couleurs du fantastique tératologique.

 

Si vous aussi êtes un monstre, faites-nous parvenir votre candidature pour le prix Thievicz 2017 avant le 31 Décembre à cette adresse.

 

cretinisme

 

La substance de l’idée

Toutes les fantaisies seraient ramassées dans un recoin de notre esprit, toutes les perceptions, toute notre représentation du monde, tout sinon la Volonté schopenhauerienne ? Tout sauf ce dont nous ne ferions pas partie, bien que nous soyons le monde et que le monde est nous ?

Sans cesse ressassai-je des idées de cet acabit, sans parfaitement en saisir l’essence ni même les appréhender ou les disséquer comme il se doit, pareil à un dilettante de rien du tout, pareil à l’une de ces poussières qui planaient dans le rai de lumière perçant ma fenêtre pour s’écraser sur les fatras de mon bureau où je n’avais plus rien à étudier.

Et enfin je compris : il fallait chercher l’idée où elle se niche, la localiser, la peser, l’analyser, en suivant un protocole scrupuleux.

Redescendant au laboratoire je saisis ma mallette, sifflai une joyeuse mélodie à mon protégé qui ne cessait de se plaindre de ses liens trop serrés, de sa soif, de sa faim, et de tant de sujets accessoires et ridicules comparés à notre œuvre.

Après avoir une dernière fois consulté le registre des pesées de chaque point en contact avec la table, je lui ligaturai les tendons des jambes, des bras et de la nuque ; procédai à une pesée des chevilles, mains, tête et tronc, puis m’assis pour lui lire quelques-uns des passages les plus effroyables que j’avais collectés de mes lectures de Leopardi, Byron, De Nerval… Puis je dissertai sur la fatalité, la tragédie de la naissance, l’absence de saveur métaphysique du monde tant que le penseur n’a pas atteint un certain degré de vésanie, les danses macabres et les ars moriendi, et maints autres nobles sujets du genre. A la suite de quoi je sortis.

Quelques heures plus tard j’y retournai et procédai à une nouvelle pesée. L’idée était née. L’idée avait fait son chemin ! Elle était en lui, et, contrairement aux attentes, elle ne pesait pas un certain poids mais était une lacune de masse. L’idée avait allégé son tronc et sa tête, l’idée était née dans ces parties du corps en transformant la matière prosaïque en énergie et avait donc fait perdre de la masse à sa structure anatomique.

Vous qui prétendez suppurer d’imaginations, d’idées, d’inspirations, passez donc me rendre visite, que nous nous mettions en quête des idées, les analyser et les décrire. Soyez partie de l’Histoire et offrez un peu de votre petite personne… Vous comprendrez mieux une fois sur place.

Le temple caché

C’était bien simple : je n’étais pas une femme donc je savais lire une carte, et je dois avoir du sang d’autre chose que du singe pour ne pas me sentir assez humain (peut-être du chien, du cancrelat ou de quoi que ce soit qui ne soit pas de la branche décadente du règne simiesque) et aller là où le troupeau n’a pas l’habitude d’écraser le sol.
Ainsi donc avais-je consulté les chemins officiels et avais repéré que sur cette vaste lande deux chemins évitaient une dépression – et quel meilleur moyen de faire fuir le civilisé que de ne faire passer de route dans le lieu prohibé.
Ayant questionné les chasseurs locaux – les rares dont le cerveaux est assez fonctionnel pour comprendre plus de trois mots – j’appris que le propriétaire des lieux leur demandait d’agir en laissant leur art s’appliquer en toute liberté, c’est-à-dire exterminer toute espèce naturelle avant d’en introduire d’autres plus domestiques qu’ils habitueraient à s’abreuver à des points précis pour les tirer aisément, et donc restreindre leurs domaines d’activités – ces domaines étant hors de la dépression.
De nuit, je pus me rendre sur les lieux sans me faire remarquer – après avoir conquis le savoir extraordinaire qu’il n’est aucun besoin de lumière artificielle pour qui sait laisser ses yeux s’habituer à l’obscurité – et attendre le matin pour procéder à un examen.
D’épaisses ronces interdisaient à quiconque de s’aventurer au centre du domaine rendu impénétrable par l’absence de sanglier ou de quoi que ce soit prompt à entretenir quelque passage. Une abondance de végétations hostiles, où, libres de tout prédateurs, rampaient des hordes de serpents.
Je ne tergiverserai pas davantage (car jusqu’ici je désirais surtout cracher sur les protagonistes précédemment évoqués) : j’ai découvert l’entrée d’un temple souterrain dont l’entrée est un aven inconnu de tous, sauf probablement du propriétaire du domaine. Et je vous ferais bien part des merveilles révolutionnaire qui y sont hébergées et vous indiquerais bien la localisation précise si je ne vous exécrais pas tous…

Rien de nouveau dans les égouts

 

De l’innovation seulement dans les yeux de la plèbe béotienne.

Toujours quelqu’un pour avoir eu l’idée avant. Trop longtemps que le crime a perdu son essence romantique. L’humanité s’est déjà éteinte, mais parce que nul ne cherche à observer la fin du crépuscule, personne ne voit.

« L’acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers aux poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu’on peut, dans la foule. Qui n’a pas eu, au moins une fois, envie d’en finir de la sorte avec le petit système d’avilissement et de crétinisation en vigueur a sa place toute marquée dans cette foule, ventre à hauteur de canon. La légitimation d’un tel acte n’est, à mon sens, nullement incompatible avec la croyance en cette lueur que le surréalisme cherche à déceler au fond de nous. « 

André Breton

*

Le 12 février 1894, Emile Henry fait sauter une bombe au café Terminus (dans un quartier bourgeois de Paris). Il est condamné à mort le 21 mai 1894. Le 24 juin 1894, Sante Geronimo Caserio, anarchiste italien, tue le président Marie François Sadi Carnot d’un coup de couteau au foie.

Symbole de l’esthétique anarchiste : Caserio n’a pas essayé pas de fuir après son geste, dansant autour de la voiture du président en criant « Vive l’anarchie ! »

La Belle époque

« Vous connaissez les faits dont je suis accusé : l’explosion de la rue des Bons-Enfants qui a tué cinq personnes et déterminé la mort d’une sixième, l’explosion du café Terminus, qui a tué une personne, déterminé la mort d’une seconde et blessé un certain nombre d’autres, enfin six coups de revolver tirés par moi sur ceux qui me poursuivaient après ce dernier attentat.

Les débats vous ont montré que je me reconnais l’auteur responsable de ces actes.

Ce n’est pas une défense que je veux vous présenter. Je ne cherche en aucune façon à me dérober aux représailles de la société que j’ai attaquée. D’ailleurs je ne relève que d’un seul Tribunal, moi-même ; et le verdict de tout autre m’est indifférent. Je veux simplement vous donner l’explication de mes actes et vous dire comment j’ai été amené à les accomplir.

Je suis anarchiste depuis peu de temps. Ce n’est guère que vers le milieu de l’année 1891 que je me suis lancé dans le mouvement révolutionnaire. Auparavant, j’avais vécu dans des milieux totalement imbus de la morale actuelle. J’avais été habitué à respecter et même à aimer les principes de patrie, de famille, d’autorité et de propriété. Mais les éducateurs de la génération actuelle oublient trop fréquemment une chose, c’est que la vie, avec ses luttes et ses déboires, avec ses injustices et ses iniquités, se charge bien, l’indiscrète, de dessiller les yeux des ignorants et de les ouvrir à la réalité.

C’est ce qui m’arriva, comme il arrive à tous. On m’avait dit que cette vie était facile et largement ouverte aux intelligents et aux énergiques, et l’expérience me montra que seuls les cyniques et les rampants peuvent se faire une place au banquet. On m’avait dit que les institutions sociales étaient basées sur la justice et l’égalité, et je ne constatais autour de moi que mensonges et fourberies. Chaque jour m’enlevait une illusion. Partout où j’allais, j’étais témoin des mêmes douleurs chez les uns, des mêmes jouissances chez les autres.

Je ne tardais pas à comprendre que les grands mots qu’on m’avait appris à vénérer : honneur, dévouement, devoir, n’étaient qu’un masque voilant les plus honteuses turpitudes.

Dans cette guerre sans pitié que nous avons déclarée à la bourgeoisie, nous ne demandons aucune pitié. Nous donnons la mort, nous saurons la subir. Aussi, c’est avec indifférence que j’attends votre verdict. Je sais que ma tête n’est pas la dernière que vous couperez ; d’autres tomberont encore, car les meurt-de-faim commencent à connaître le chemin de vos grands cafés et de vos grands restaurants Terminus et Foyot.

Emile Henry

Et pour davantage de  » Dans l’ancien temps c’était mieux » merci de vous reporter aux ouvrages de Martin Monestier, aux Arrivé près d’ici des éditions Baleine, et à toute connaissance concernant ce fameux « ancien temps » dont on parle d’autant plus qu’on ne le connait pas.

Einstein aurait dit que si les rats pesaient plus de 20 kg ils seraient les maîtres du monde. Pauvre type, lui qui ne se rendait pas compte que les rats pesaient déjà plus de 20 kg et qu’il en faisait partie. L’humanité, cette espèce de rongeurs carnassiers qui se complait tant dans les égouts qu’elle en a fait son domaine intellectuel…

Je vous respecte tous et vous crache dessus

Envie de vous faire plaisir

C’était un auteur normal : il avait envie de molester chacun de ses lecteurs et de couper les tendons d’Achille de ceux qui ne le lisaient pas. Parmi ses projets qui attendaient un éditeur il y avait un essai sur la vie consistant à développer la thèse que nous ne devons nous concentrer que sur un seul point : nous sommes tous en train de mourir mais nous n’y sommes pas assez attentifs. Il militait pour un empoisonnement de l’eau potable et du sel de table. Il avait pour passion le crachat, l’analyse des murs effondrés, réveiller les gens pendant leur sieste et leur sommeil nocturne, et les fausses-couches. Parfois il envoyait des courriers de menace à son éditeur car celui-ci refusait de traduire ses ouvrages en grec ancien.

Je m’étais dit que puisque vous aimiez écouter vos semblables vous deviez avoir goût à tous les propos inféconds et ineptes, malgré tout je n’ai rien trouvé qui ne soit au minimum doté d’insolite, je m’en excuse. Peut-être plus tard trouverai-je un sujet d’actualité pour lequel je pourrai enfoncer quelques portes ouvertes, ramener mon opinion morale et commune, colporter quelque erreur parce qu’elle est injustifiée mais arrange tout le monde et n’est seulement acceptée que parce qu’elle remporte un large suffrage, ou calomnier un ennemi de tous (mais de cela j’en doute : j’aime trop ceux qui ont l’unanimité contre eux, même lorsque c’est à raison)

L’humain est l’espèce élue

J’avais dégagé la base du monolithe gravé et il était évident qu’il possédait des racines, qu’il se comportait assez comme un arbre, un arbre de vie si mignon et intelligent… Il communiqua avec mon esprit, m’expliqua que l’univers existait depuis presque 15 milliards d’années mais qu’avant ça il avait aussi existé, qu’il existerait encore bien plus longtemps, mais que tout cela, ces dizaines de milliards d’années lumières d’espace et ce long temps, n’avait pour unique but que l’être humain civilisé et moderne (non pas ces macaques troglodytes athées ou païens de la préhistoire – et encore moins les autres animaux qui ne sont là que pour être mangés par les humains, car c’est à ça qu’ils servent), cet humain qui vit depuis quelques milliers d’années et ne vivra pas beaucoup plus. C’est ici, dans ce recoin de cette galaxie anodine, que toutes les puissances cosmiques convergent, que les agencements des étoiles prennent leur sens, que la vie grouille, ici seulement, et pas ailleurs.

Tout cela ce fut le monolithe qui me l’a dit ; et il m’a expliqué que nous devions aller coloniser d’autres planètes ou au moins s’entasser dans des vaisseaux spatiaux, faire croître la vie, quel qu’en soit le prix, que nos descendants soient le sens de notre vie, qu’ils bataillent pour vivre leurs dizaines d’années tendues entre leur naissance et leur mort dans la faim, la soif et le labeur ; et qu’eux-mêmes ne cessent de se multiplier au lieu de quoi leurs existences seraient absurdes et rendraient les nôtres aussi vaines.

Le but de tout, me confia le monolithe, c’est la vie, cet agencement de la matière inerte en matière sensée.

Oh oui, la vie est sacrée, elle est ce vers quoi a tendu l’univers depuis tant d’éons ; notre vie, nous, la vie humaine, non celle des reptiles ou des bactéries, ni les végétaux (ces entités belliqueuses et si problématiques) mais celle de ceux qui savent parler au monolithe.

Alors vive la vie, en particulier la vie humaine…

equipde

… Ou pas…

Ecrasez les enfants sur le bord des routes

Lorsque nous arrêtâmes la charrette la nuit était déjà tombée, et si la lune n’avait pas tant brillé nous aurions pu l’écraser et passer notre chemin.

Il était là, au bord du chemin, la gueule barbouillée du fruit de ses goinfreries, sanglotant en frappant le sol humide de ses petits pieds.

« Eh, petit, qu’est qu’tu fais au bord d’la route tout seul, comme ça ?

– Ouin, ouin, répondit-il.

– Ils sont pas avec toi, tes parents ? Où c’est qu’t’habites ?

– Ouin, ouin, répétait-il. »

Ma femme lui demanda de monter avec nous, mais il ne nous répondait pas autrement qu’avec ses pleurnicheries et ses incompréhensibles baragouinages. Elle exigea que je descende pour le porter jusque sur le foin et le ramener avec nous, mais la physionomie de ce gamin ne m’inspirait pas confiance et j’étais d’avis à le laisser crever de froid dans la boue comme tous les orphelins le méritent. Alors elle sauta du siège et l’approcha en lui offrant quelques paroles réconfortantes.

Quelques secondes plus tard je sifflai et fouettai l’âne pour qu’il parte aussi vite que possible, laissant derrière moi les hurlements de mon épouse et ceux de cet immonde nain cannibale déguisé en enfant.

Le lendemain je retournai sur les lieux pour emporter la dépouille de mon épouse, mais le lilliputien était encore là, même sous le soleil de midi, le menton encore gluant de sang à moitié croûté, pleurnichant et trépignant. De loin je le lapidai, lui tirai tout ce que j’avais de plomb et de poudre sur moi, mais toujours il se relevait, ce nain éternel.

Voilà donc mon conseil à tous ceux qui trouveraient un enfant triste et esseulé : écrasez-le, lapidez-le, et fuyez.

Double question

Peut-on dire d’un bicéphale qu’il a perdu la tête lorsqu’il est fou ? Peut-on dire qu’il est mal dans ses têtes ? Peut-il avoir plusieurs personnalités ? Peut-on le décapiter sans qu’il ne meure ? Sa voix a-t-elle deux fois plus de valeur ?

Le personnage impossible

 » Il ne s’est jamais mutilé, n’enrage qu’à propos des sujets prosaïques qu’on lui soumet avec trop d’insistance et dont la moralité est raillée de manière fort grotesque – et d’ailleurs il se contente toujours de l’avis des autres ainsi que des témoignages partiaux. Il se met en colère lorsqu’on lui marche plusieurs fois sur les pieds ou qu’on le vole, mais sinon…
– Et le démiurge, et les dieux, et la nature, et la réalité, et la prédestination ?
– De tout cela, il ne s’en occupe pas.
– Et lorsqu’on lui soumet ces sujets ?
– Il les élude.
– Les autodestructions par les drogues, les sorties nocturnes hivernales en robe de chambre, les examens d’ossements remontés à la surface dans les cimetières, les rixes, le crime, les duels, la tentation de céder aux atours de la belle demoiselle Suicide, les bains dans des eaux glacées ?
– Tout cela lui est étranger. Il ne s’empoisonne que par nécessité sociale. Il ne s’ennuie pas, et donc ne cherche à rien écourter ou ne se distraire de rien, même lorsqu’il peut être victime de quelque insomnie il n’abuse pas des soporifiques mais patiente dans son lit en chantonnant des airs de guinguettes. Les discussions l’indiffèrent, tout ce qu’il souhaite c’est parler avec superficialité, sans rentrer dans le vif d’aucun sujet, n’être scrupuleux sur aucun terme ni aucune notion, ne recevoir ni ne présenter aucun argument ; il reste vague, évasif, commun, sans aspérité, dans un hédonisme banal.
– Mais ses lectures ont bien dû parfois le mener à faire face à quelque splendide fulgurance, à quelque questionnement métaphysique dont le vide des solutions n’est que trop évident, à s’affliger d’existences dont sa monotone vie n’est pas témoin !
– Il ne lit que les quotidiens, et rien ne l’émeut suffisamment pour qu’il en garde mémoire. Ou plutôt rien ne l’interpelle assez pour qu’il analyse les évènements en profondeur, dans leur trame tragique, dans leur inévitable fatalité, dans leur intrication avec cette froide et impitoyable vie. L’ineffable est une contrée inconnue dont il ignore les frontières délétères ; tout ce qui n’est pas appréhensible par lui, résoluble par les méthodes les plus grotesques, abrégé avec des termes plébéiens et flous, ne peut adhérer à la viscosité de sa conscience.
– Il doit bien parfois désespérer, tout le monde désespère, même les navets.
– Pas lui. Je ne dirais pas non plus qu’il espère quoi que ce soit mais…
– Un ataraxique, un authentique ataraxique !
– Peut-être… »

Nous l’occîmes, évidemment, car il était une anomalie, nous l’assassinâmes comme chacun devrait tuer toutes ces dégénérés qui ne sont pas malheureux d’être nés. Et, certes, nous le torturâmes un peu, mais par aigreur et jalousie, nous ne conseillons pas de faire souffrir, seulement éliminer et placer la crâne en trophée dans un cabinet.

 

un bon ataraxique est un ataraxique cadaverique

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