« Est-ce bien ici la divination ?

– Installez-vous, madame.

– Mais, vous n’êtes pas une escroc, au moins ?

– Commencer, comme le ferait un charlatan, en disant que la première lettre du prénom de votre époux décédé était un M.

– Oh !

– Puis prononcer son nom, puis tâtonner, comme tous les faux médiums en glanant des informations que vous trahiriez pour que je puisse vous faire tout un laïus sur le fait qu’il se tient à côté de vous, qu’il vous dit qu’il vous aime, qu’il vous attend, qu’il veille sur vous, qu’il regrette de ne pas vous avoir assez dit tous les sentiments qu’il entretient encore à votre égard…

– Vraiment ?

– Non, je ne procède pas ainsi !

– Vous voyez tout cela dans votre boule de cristal ?

– Avez-vous bien fait une offrande d’or et de diamants à la déesse Isis ?

– Certes, oui, j’ai placé tout ce qui m’avait été demandé dans l’urne au pied de la statue égyptienne.

– C’est primordial, car une fois l’offrande faite…

– Elle vous parle !

– Non : vous ne pouvez plus rien récupérer car vos bijoux partent dans un coffre scellé dans l’étage inférieur.

– Et mon époux ?

– Il a trépassé dans d’atroces souffrances.

– Terribles !

– Chez vous, durant la nuit. Il a suffoqué, hurlé, s’est tordu de douleur, comme possédé.

– Comment le savez-vous ?

– C’était un nigaud qui me consultait, comme la plupart de ceux dont les épouses viennent ensuite me voir en espérant parler à l’âme inexistante de leur amour perdu. Je l’ai empoisonné parce qu’il se faisait trop avares en prétentions concupiscentes et trop pingres en donations pécuniaires.

– Plait-il ?

– Oh n’y voyez aucune solidarité féminine, c’est juste que je suis une esthète : les mâles me dégoûtent et j’ai besoin d’avoir de quoi entretenir un certain train de vie. Mais désormais que vous voilà veuve… »