Nous ne nous étions pas vus depuis cinq ans mais je la reconnus tout de suite. Elle aussi devait savoir qui j’étais (comment en aurait-il pu être autrement !) mais elle n’en laissa rien filtrer, pas même détourna-t-elle le regard ni ne cilla, sa poitrine ne fit aucun bonds, sa respiration ne se fit pas haletante, elle gardait tout empire sur son paraître, comme naguère. Peut-être ne trahissait-elle rien de ses émotions par fierté féminine, ou parce qu’elle avait honte d’être si décatie.

Je me rappelle sa peau veloutée pareille à un pétale de chrysanthème à peine éclos, ses joues pleines de vie, ses délicates mains toujours gantées de dentelles, ses lèvres sanguines ; et désormais la voilà le cuir racorni et sillonné de moisissures, un teint de feuille de platane automnal, ses joues creusées par l’acide du temps, ses mains décharnées et nues, ses lèvres retroussées sur ses dents sans gencives. Ou peut-être me dédaignait-elle parce que je l’ai tuée la dernière fois que nous nous sommes rencontrés. Ce que les femmes peuvent être rancunières ! C’était il y a si longtemps, il y a tout de même prescription ! Ne me reste plus qu’à espérer que son spectre, ainsi que celui des autres trépassées, quittera enfin mon mausolée.

 

 

On ne peut pas profiter du dernier jour de la vie puisque ce n’est que l’avant-premier jour de la mort.

 

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