Si j’aime tant les randonnées ce n’est pas pour les vastes espaces, ni même pour les cieux dégagés, la quiétude ou la nature, et encore moins pour la solitude, car c’est justement ce qui est plaisant lorsqu’on se promène : rencontrer des gens, discuter avec eux de tout ce dont on discuterait ailleurs, sentir que partout le règne de l’Homme s’est accompli en accord avec le 1:28 de la Genèse.
Ce fut donc lors d’une randonnée en montagne que je croisai ce sympathique couple dont, étrangement, seule la partie masculine prenait la parole :
« Quels paysages, n’est-ce pas !
– Aidez-moi.
– Depuis combien de temps êtes-vous ici ? Vivez-vous ici à l’année ?
– Voilà plus de huit jours que je…
– Oh, dire que je ne suis arrivé que depuis deux jours et déjà les conditions me paraissent difficiles à supporter.
– Aidez-moi…
– Certes. Mais huit jours que vous êtes dans le massif, la vallée, ou précisément ici ?
– Ici. huit jours que je suis sous…
– Mais pourquoi à cet endroit précis, sous cette falaise, sous cet amas de rochers ?
– Enfin, vous ne comprenez pas que…
– Et pourquoi avoir mangé le visage de votre femme ? Et… bu son sang, vu votre haleine pestilentielle !
– Ne voyez-vous pas qu’elle est morte, écrasée sous ces rochers, et que mes jambes sont coincées, et que je n’ai rien d’autre à boire ni à manger ? Pitié, de l’eau, à manger, de l’aide.
– Ma gourde dans votre bouche de cannibale. Plaisantez-vous ? Vous êtes si déplaisant, malpoli et hautain, malgré votre position d’infériorité et votre éloquente stupidité qui vous a menée à vous allonger sous cette périlleuse falaise, que je vous dis au-revoir sans vous souhaiter la bonne journée ! »
Tout de même, tout le monde n’est pas agréable à rencontrer. De nos jours se perdent les bonnes manières.

pourriturepartout

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