Non, je pense que je n’ai aucunement ma place dans cet asile. Non, je ne me suis pas ainsi mutilé. C’est cette femme, c’est elle, ne comprenez-vous pas ? Je ne fais allusion à aucune niaiserie sentimentale : c’est elle la responsable, c’est elle qui m’a violé, c’est elle qui a changé la couleur de mes cheveux, c’est elle qui m’a brisé le bras.

Je ne l’avais croisé qu’une seule fois dans la rue avant tout cela. Elle m’avait glissé : « A ce soir, dans mes rêves ! Je m’excuse d’avance. » J’avais été à la fois flatté et dérouté, mais lorsque le lendemain elle me glissa une missive dans laquelle elle me décrivait un rêve qu’elle aurait vécu la veille, durant lequel elle s’était promenée avec moi sur un sentier jonché d’orties et de ronces, je compris d’où venaient les cicatrices apparues sur mes jambes.

Puis cela a ainsi continué : elle rêvait de nous forniquant, elle rêvait de nous nous faisant agresser, elle rêvait de nous hantés par des fantômes, elle rêvait de nous enfermés dans un asile et maltraités…

Bien entendu que j’ai tenté de lui demander des explications, de cesser de rêver de moi, mais lorsqu’elle ne se dérobait pas elle s’excusait de ne pouvoir rester maîtresse de ses rêves. Et, après tout, nous ne nous connaissions pas dans la réalité, je ne sais toujours même pas son nom, seulement sa physionomie et son écriture… Allez au café de la place des platanes, vous la verrez passer la matin vers 10 heures toute vêtue de noir, arborant le chapeau à plumes le plus extravaguant que l’on puisse concevoir.

Si j’ai tenté de la tuer ? Mais qu’auriez-vous fait à ma place ! Évidemment que j’ai essayé, mais au moment où j’allais la poignarder elle est tombée en syncope et a rêvé que je m’enfonçais le couteau dans le ventre…

 

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