Certains se demanderont pourquoi il y eut une vague d’apparitions spectrales, fantomatiques, voire surnaturelles, en cette bonne année 1899. Certains évoquèrent la fin du monde annoncée par la démocratisation du train à vapeur, les premières lignes de transport d’électricité, le cinématographe ou la parodie du mythe d’Icare que sont les tentatives de Clément Ader.

En réalité un simple drap percé fait l’affaire en matière de fantômes. Et c’est forts de ce savoir que nous mîmes à exécutions quelques plaisanteries navrement élaborées mais dont nous tirâmes grands succès, procurant frayeur et résurgences superstitieuses auprès des populations de toutes sortes. Certains périodiques spirites mirent même nos modestes exploits en première page, sûrs qu’il n’y avait aucun canular derrière, contrairement au Docteur Maurice Bouge.

Maurice Bouge, un ardent défenseur du matérialisme, mais aussi ennemi de bon nombre d’aliénistes, établit une méthode de lutte contre les hallucinations (car il ne faisait aucun doute pour lui que tous les problèmes mentaux étaient dus à des dysfonctionnements purement anatomiques et non cérébraux), un procédé de chirurgie indolore consistant en une cécité artificielle et partielle. Certes la majorité de ses patients devenaient tout à fait aveugles tant aux choses réelles qu’aux chimères, mais les autres jurèrent ne plus voir apparaître le moindre spectre, pas même un feu follet ou une aura. Malgré nos tentatives de prouver que ces affirmations n’étaient dues qu’à la peur de se revoir charcutés par Maurice Bouge, les personnes devant qui nous apparaissions vêtus de draps nous affirmaient, en s’adressant directement à nous, ne pas nous voir. Étrange…

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