« C’est une femme étrange, dont le menton en galoche faisait penser à une faux renversée, et dont les cheveux gris perlaient de son crâne fripé comme les rais de lune perleraient de… d’un ciel fripé.

 » Elle se postait tous les matins sur son perron et, tout en parlant à son chat, tricotait.

– Je vois de qui vous voulez parler : Lady Burgoughout.

– Pas du tout ! Elle tenait d’une main ferme son aiguille tandis que l’autre passait et repassait les fils pour former d’inextricables nœuds que, le soir venu, elle entreprenait de défaire, pour, prétextait-elle, économiser le fil pour le lendemain.

– Et ce fil était en une matière incroyable, n’est-ce pas ?

– Du fil tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Taisez-vous et laissez-moi raconter : En rentrant chez elle, elle emportait son sac de fil, reformait une bobine, fichait ses aiguilles dedans, jetait négligemment le tout dans un panier en osier, s’agenouillait pour une petite prière.

– Au diable !

– Non.

– A une divinité païenne ?

– Non, non, à Jéhovah, Yahvé, Adonaï, et à celui qui ne peut se contenter d’un seul nom.

– Mais… Et ensuite ?

– Ensuite elle s’endormait.

– Et s’abîmait en des songes ineffables ? Ou elle était victime de somnambulisme macabre ?

– Rien de si fantastique : elle dormait jusqu’au lendemain d’un sommeil juste et régulier.

– Mais pourquoi me raconter cette histoire inutile, alors ?

– Parce qu’il faut bien meubler…

– Et pourquoi cette illustration qui n’a rien à voir ?

– Parce que l’érotisme gras qui s’en dégage fera oublier que nous avons fait perdre son temps ô combien précieux au lecteur.  »

 

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