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Charmante, gracieuse, jolie et avec de grands yeux bleus, telle fut la jeune Marquise de Brinvilliers selon ces contemporains. Derrière ce portrait idyllique se cacha l'une des plus terribles et mystérieuses femmes de notre histoire.
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Charmante, gracieuse, jolie et avec de grands yeux bleus, telle fut la jeune Marquise de Brinvilliers selon ces contemporains. Derrière ce portrait idyllique se cacha l'une des plus terribles et mystérieuses femmes de notre histoire.
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Née le 2 juillet 1630, Marie Madeleine d'Aubray, marquise de Brinvilliers, fille d'Antonin Dreux d'Aubray, conseiller d'état reçut si l'on peut dire une bonne éducation. Selon ses propres déclarations, dés l'âge de cinq ans, le vice l'habitait, elle perdit sa virginité à l'âge de sept ans et par la suite se livra à ses jeunes frères.
A l'âge de vingt-et-un an, elle épousa un jeune maître de camp du régiment de Normandie, Antoine Gobelin, honnête homme issu d'une riche famille mais le démon du jeu le dévorait. Très vite, la Marquise s'attacha à Gaudin de Sainte Croix, un officier de cavalerie que lui avait présenté son mari, un couple à trois naquit. Le père de la Marquise au courant de cette affaire obtint grâce à ses relations, une lettre de cachet permettant de jeter à la Bastille, l'amant de sa fille. Il fut emprisonné six semaines, un court séjour peut être, mais ce fut l'un des facteurs déclenchant de l'un plus formidables procès du siècle des lumières. Sainte Croix fit la connaissance en ces cachots humides, d'un certain Exili, détenteur du terrible secret de l'art de l'empoisonnement. Cependant, le jeune officier avait déjà été formé à cette science par le célèbre chimiste Suisse, Christophe Glaser, établi au foubourg Saint Germain.
C'est ainsi que la jeune marquise fut initiée aux poisons par son étrange amant. Blessée dans son orgueil, la vengeance naquit en son coeur, l'objet de cette haine fut son père, responsable de son malheur. Un plan diabolique germa, elle utilisa dans un premier temps son art du poison à la faveur de la nuit dans les hôpitaux ; les malades dont elle s'approchait ne tardaient pas à succomber en d'horribles souffrances. Devant l'impuissance de la science à diagnostiquer les traces du poison, son père devint son prochain objectif. Le 13 juin 1666, retiré en ses terres d'Offémont, le père de la jeune Marquise souffrait déjà depuis plusieurs mois de maux étranges.
Priant sa fille de venir le rejoindre, le malheureux fut pris d'affreux vomissement qui continuèrent jusqu'à sa mort, laquelle eut lieu à Paris où il s'était fait transporter pour recevoir les soins des meilleures médecins. Il mourut le 10 septembre à 66 ans.
Au cours de son procès, la Marquise avoua qu'elle avait empoisonnée son père 28 fois ou trente fois, soit elle même ou grâce à son laquais, un dénommé Gascon qui était au service de son amant.
Les plus grands crimes, sont une bagatelle en comparaison d'être huit mois à tuer son père.
Mme de Sévigné.
Cet obstacle franchit, la marquise eut plusieurs amants à la fois, la débauche et le vice grouillaient en elle. L'héritage de feu son père ne tarda pas à fondre comme neige au soleil, La Brinvilliers s'en prit à ses deux frères qui furent empoisonnés par son laquais du nom de La Chaussée en 1670. Lors de l'autopsie, des traces suspectes furent décelées mais l'affaire en resta là. La cadence infernale redoubla, elle tenta d'empoisonner sa propre fille qu'elle trouvait idiote et son mari qui faillit subir la morsure du terrible breuvage. Tour à tour empoisonné par l'épouse, désempoisonné par l'amant, son mari parvint par survivre. La Brinvilliers, nous dit son confesseur, donna à son mari de l'arsenic en quantité si infime que l'on crut qu'il souffrait d'une fluxion dans les jambes ; et elle ajouta qu'il ne fallait pas donner trop à la fois, afin que l'on ne s'aperçut pas que cela fit de l'effet et que cela soit trop précipité . Son amant, las d'une maîtresse aussi dangereuse, sa perte d'ailleurs était peut être décidée car la marquise tenait à récupérer deux reconnaissances de dettes qu'elle avait remise à ce maître chanteur, ce dernier enferma en un coffret les reconnaissances de dettes, les lettres d'amour de la marquise qui aurait pu lui servir, plusieurs fioles de poison et cette lettre accusatrice. Je supplie humblement ceux ou celles entre les mains de qui tombe cette cassette de me faire la grâce de vouloir la rendre entre mains propres à Mme la marquise de Brinvilliers, demeurant rue Neuve Saint Paul, attendu que tout ce qu'elle contient la regarde et appartient à elle seule, et que, d'ailleurs, il n'y a rien d'aucune utilité à personne au monde, son intérêt à part ; et, en cas qu'elle fût plus tôt morte que moi, de la brûler, et tout ce qu'il y a dedans, sans rien ouvrir ni innover.
La terrible faucheuse en décida autrement, dans son laboratoire de l'impasse rue Maubert, Sainte croix fut victime d'une mystérieuse expérience alchimique. Les scélles furent aussitôt apposés chez lui, la police découvrit la cassette et l'étrange lettre. Les 8 et 11 août 1672, la marquise de Brinvilliers usa de tous les moyens pour étouffer l'affaire, essayant même de corrompre le commissaire, mais le destin en décida autrement. Les fioles furent testées sur des animaux qui moururent aussitôt.
Se voyant soupçonnée, Mme de Brinvilliers s'isola en sa maison de campagne mais ce ne fut pas le cas de son valet, la Chaussée qui sous prétexte que Sainte-Croix lui devait deux cents pistoles avait manifesté son opposition à l'ouverture du coffret. Arrêté, La chaussée fut convaincu d'empoisonnement et soumis à la torture, il fut condamné à mort le 24 mars 1673. La marquise réfugiée à Londres fut condamnée par contumace, une course poursuite sous la direction de Nicolas de la Reynie, lieutenant de police s'engagea. Sous l'impulsion du Roi Louis XIV, un mandat d'arrêt fut lancé contre elle. La marquise réussit a rejoindre les Pays Bas, la Picardie et trouva enfin un refuge dans un couvent. Le 16 mars, on la fit enlever pour la traduire en justice. Malgré plusieurs tentatives de suicide, elle fut écrouée à la conciergerie, le procès se déroula du 29 avril au 16 juillet 1676 occupant vingt deux audiences présidées par Lamoignon. Son silence fut sa seule défense, elle nia tout en bloc, une action qui ne cessa pas d'être un sujet d'étonnement pour ses juges.
Maître Nivelle, chargé de sa défense s'en acquitta d'une manière remarquable, il plaida la calomnie et le manque de preuves. L'abbé Edmond Pirot, théologien fut désigné par le président Lamoignon d'assister La Brinvilliers afin d'obtenir les renseignements que la justice n'avait pu obtenir du fait du silence de la marquise. L'abbé Pirot raconta d'une manière précise la dernière journée de la Marquise, oeuvre qui d'ailleurs fut publiée en deux volumes. Au contact de cet homme d'Eglise, la Brinvilliers faiblit et se confia ouvertement. Au fil des paroles, Pirot dira qu'il était en face d'une sainte et qu'il aurait souhaité être à la place de la marquise.
Demain sera une journée de grande fatigue dira t'elle, au cours des jours qui précédèrent son supplice, elle manifesta une grande piété. Le 16 juillet l'arrêt fut prononcé, La Brinvilliers a la lecture du verdict si terrible, en exigea une seconde lecture, pensant éviter la torture elle dénonça ses complices : Sainte Croix et La Chaussée. Elle fut soumise a la question ordinaire et extraordinaire, qu'elle subit d'une façon des plus stoïque.
Pieds nus, vêtue de la seule chemise de grosse toile des condamnés, tenant dans une main un crucifix et dans l'autre le cierge de pénitence.
Elle monta dans le petit tombereau des condamnés à mort en compagnie de son confesseur. Guillaume le bourreau lui banda les yeux : Mme de Brinvilliers tendit la tête fort droite. Le bourreau la lui avala d'un seul coup qui trancha si net qu'elle fut un moment sur le tronc sans tomber.
Enfin cela est fait écrivit Mme de Sévigné, La Brinvilliers est en l'air : son pauvre petit corps a été jeté, après l'exécution, dans un fort grand feu, et ses cendres au vent ; de sorte que nous la respirons.
Au petit matin, les bourreaux jetèrent les cendres dans la Seine tandis que la foule s'emparait de quelques os...
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