Biographie

Claude Seignolle, né le 25 Juin 1917 à Périgueux et mort le 13 juillet 2018 à Versailles (Yvelines), dont la famille paternelle est originaire de Salignac (descendant de Antoine Chaudru de Reynal, « notaire et consul »), a été animé toute sa vie par une curiosité intense. L’amour des grottes préhistoriques de son terroir lui a fait très jeune rencontrer l’abbé Breuil, qui le parraina pour entrer à la Société Préhistorique Française à l’âge de 16 ans. A 101 ans, il en etait le doyen d’âge.

De ses activités fécondes est née une oeuvre intense, car il a marqué de plusieurs ouvrages chacune des disciplines qu’il a explorées : voyages au goût d’aventure ou enquêtes ethnographiques dans toutes les provinces de France, sous la direction d’Arnold Van Gennep. Il est aussi l’auteur de contes et romans d’une littérature fantastique dont il est un des maîtres reconnus en France et à l’étranger.

Silex, fossiles, lointaines pièces de monnaies et vieilles pierres ornent au fur et à mesure son musée personnel, résultat de ce microbe qu’il a contracté Le lithos , le microbe de la pierre.

« Une obscure affection me lie aux pierres que j’aime autant pour leur dureté que pour leur sensibilité, pour leurs secrets. » 

Très vite l’enfant prend goût aux sons des légendes racontés par sa grand mère Marie Audebert, aux mystères du passé .Il aborde grâce à elle un nouveau pays de la nuit, de nouveaux rivages de la peur où le Diable règne en maître.

Mais par une décision de son père, le jeune claude âgé de neuf ans doit abandonner sa terre natale peuplée de campagnes et de mystères pour la capitale . Mais le lithos tient bon, il grouille et grandit toujours en lui s’emparant chaque jour encore un peu plus de son âme. A l’âge de 12 ans, ses parents s’installent dans une maison de Chatenay Malabry ( Seine ), la nature, la campagne appellent Claude, l’attirent irisistiblement vers sa passion, son destin. Inlassablement , il continue ses recherches, trouve et déniche ces vestiges de temps anciens, ces vieilles pierres qu’il aime tout en poursuivant des études au lycée Lakanal de Sceaux.

Il est alors remarqué par son professeur d’histoire Mr Panthier, victime lui aussi de ce mystérieux Lithos, il pousse encore plus le jeune Claude dans la voie de l’archéologie.

Il me mit une pelle et une pioche entre les mains, me poussant à fouiller le terrain au lieu de lui faire perdre du temps à m’expliquer l’ histoire de France

Cette soif de liberté met un terme à ses études scolaires pour donner naissance à son premier livre, les fouilles de Châtenay et Robinson, mais ne l’empêchant

nullement d’écouter ses maîtres de la société préhistorique française comme l’abbé Henri Breuil de l’institut Armand Viré, l’intrépide explorateur de gouffres . En 1937, Claude Seignolle rédige son premier livre, Les Fouilles de Robinson (réédité en 1945).

Ce Lithos vieux de 20 ans tel un exorcisme a pris possession du papier, le nouveau et éternel outil de Claude Seignolle.

Voici une anecdote que rapporte Claude Seignolle pour clore le chapitre de son enfance :

« j’avais neuf ans lorsque, à Douzenac, en Corrèze, quelqu’un mit pour la première fois un doigt précis sur cette passion naissante. La chose fut cocasse et dégela un instant les convives de ce mariage d’un lointain parent où nous étions invités (…) une bonne femme des plus fanées, mi-bergère, mi-guèrisseuse : diseuse de compliments à l’ancienne mode et froide amuseuse au sourire plastifié (…)

Prenant gravement mes deux mains, elle y porta son regard, m’ausculta ensuite le derrière de la tête, le grattant avec le bout de ses doigts durs, pointus comme ceux d’un crochet à désherber et, dans un silence génant, décréta gravement :  » Toi, petit gars, un jour tu seras un savant dans les vieilles pierres d’autrefois et dans le vieux savoir des gens… Tu te nourriras des choses du passé et de tout ce qui te tombera sous la main sans que ça te coûte… C’est comme je te dis!… (…) la vieille garce avait senti juste et, aujourd’hui, après tant d’eau passée sous mon pont, je me souviens de cette scène, comme si elle venait de se produire ce mation et je la donne comme il faut l’entendre.

Une rencontre Capitale

Cette passion et la fréquentation des couloirs de la Société archéologique de France donneront naissance à sa rencontre avec Arnold Van Gennep, ce grand folkloriste, catalyseur de milliers de savoir qui très vite le prend sous son aile protectrice et le qualifie comme son « neveu ». Il va lui inculquer une autre passion, le folklore.

C’est très bien, vous ramassez des pierres préhistoriques, mais ces pierres là attendent depuis 3000 ans ou 10 000 ans. On les trouvera un jour, elles peuvent attendre encore 50 ou 100 ans. Par contre ce qui ne le peut plus, c’est le savoir et les traditions de nos campagnes.

Ainsi, sur les recommandations et les conseils du maître, Claude Seignolle et son frère Jacques décidèrent de sauver ce savoir de l’oubli éternel. La première enquête est comme celle de celle de Gérard de Nerval dans le valois et se situera dans le Hurepoix. Durant deux ans, à l’âge de 15 et 16 ans à bicyclette chaque village en se servant d’un questionnaire sur les moeurs et coutumes encore en usage ou dans les souvenirs des gens du pays.

Les traditions de la naissance, du mariage , des funérailles, des grandes fêtes comme la St jean et la Chandeleur mais aussi les superstitions, les remèdes de sorciers et des guérisseurs vont ainsi être sauvés de l’oubli pour être à tout jamais scellés dans les pages du Folklore en Hurepoix , premier livre d’une longue série consacré au Folklore. Après Sébillot et Van Gennep, Claude Seignolle reprenait le flambeau et allait devenir la mémoire du savoir populaire en voie de disparition.

Claude Seignolle en 1945 lors de sa découverte au lieu-dit "Le Maublat", Monthureux-sur-Saône (Vosges)

Après la terrible guerre de 39-45 où la faim et la mort règnent en puissantes maîtresses, période qui influencera à tout jamais Claude Seignolle et dont il en décrit ses aspects dans la Gueule éditée en 1959, il publie son premier roman, Le rond des sorciers, une histoire de sorcellerie que l’auteur remaniera après avoir lancé les deux cents derniers exemplaires le long de la mare au diable de Georges Sand en Berry, car mécontent du ton folklorique cannibalisant trop ce livre.

Claude Seignolle en 1967 chez Eric Losfeld au Terrain Vague à Paris

A propos de George Sand par Claude Seignolle :

J’ai eu un rapport indirect avec George Sand. Bien sûr, je n’ai pas embrassé George Sand, mais j’ai embrassé sa petite fille Aurore. Je l’ai rencontrée, à Nohan, il y’a cinquante ans de cela, elle était déja très agée. Je venais la voir pour qu’elle me rédige la préface d’une livre que j’avais écrit sur le Berry. Elle me montra le lit de sa grand-mère et me dit « Lorsque j’étais petite fille, ma grand-mère me prenait dans ses bras, et elle m’embrassait, là, dans ce lit, à l’heure du petit déjeuner. Quand je pense qu’elle y avait embrassé passionnément Muset et Chopin ! J’ai ressenti indirectement leur contact… »

Et moi, j’ai aussitôt désiré prolongé ce contact avec ce passé magique. Avant de repartir, là, près du lit enchanté, j’ai embrassé Aurore de deux petits baisers respectueux qu’elle a acceptés en me les rendant. Je suis sortit de chez elle dans un état second. J’avais recueilli ces baisers comme deux reliques venant de cette femme qui était à elle seule la relique de chair de Georges Sand.

L’Histoire ne s’arrête pas là. Un jour, une de mes petites amoureuses me dit :  » depuis le temps que tu me racontes cette histoire et que tu me donnes des tas de bisous, on va aller s’en donner un sur la tombe de Chopin ». On se rend donc au Père Lachaise, et alors qu’on se trouvait devant la tombe de l’homme illuste, arrive un groupe de filles, non plutôt un bouquet de jeunes filles, pépiantes, habillées de robes multicolores. C’étaient des Polonaises ! Un petit groupe d’oiseaux bariolés, venus se recueillir sur la tombe de Chopin. Mon amie me dit alors de leur raconter mon histoire. Je la leur raconte et j’ajoute : « J’ai sur les lèvres un petit peu de ce qui aurait pu être la salive de Chopin ! » Et j’ai embrassé toute cette volière. Elles sont reparties comblées. Deux ans plus tard, je reçois une lettre d’une de ces demoiselles qui me disait  » Je suis la plus respectée des institutrices de Cracovie car je récompense une fois par an les meilleurs des élèves par un baiser authentique de Chopin ; celui qui vous avez eu l’obligeance de me confier. »

1958, sur l'île de Santorin en mer Egée, entre deux tremblements de terre

Grand admirateur de Stevenson, Claude Seignolle décide de refaire son parcours, non pas à dos d’âne mais en bicyclette. Durant 10 ans, il récoltera les traditions populaires du Gard, de l’Herault et de Lozère pour enfin publier en 1960, le Folklore du Languedoc. 1963 est l’année du folklore de Provence et enfin le Berry traditionnel en 1969. Par ce long labeur où Seignolle sculpte la parole brute des campagnes, il est un personnage qui dans l’ombre ne l’a jamais vraiment quitté, il s’agit du puissant monarque infernal. Ce dernier marque de son sabot en 1959 son livre sur le Diable dans les traditions populaires, une étude concernant la province de Guyenne, pour enfin prendre pleine possession des Evangiles du Diable en 1964 dressant un panorama du monde infernal selon les croyances populaires françaises.

Le Claude Seignolle d’aujourd’hui

 » Je n’ai pas écrit pendant dix ans parce que j’ai voulu connaître l’intimité des hommes les plus grands. Savoir comment ils écrivaient, les toucher du doigt comme je touchais le pas de la mule de Saint-Martin en me disant : »Ah ! si je pouvais l’emporter ».

Mais, c’est aussi parce que je ne trouvais plus de paysans aptes à satisfaire ma curiosité que je me suis mis à collectionner des autographes : une lettre de Voltaire, de Rousseau, de Baudelaire, Stendhal et tant d’autres…

Pendant 10 ans de ma vie, j’ai accumulé, ici, plus de 50.000 autographes, rangés dans 1300 volumes classés par ordre alphabétique et cette collection représente tous les domaines où l’on peut trouver des manuscrits autographes : histoire, traditions populaires, voyages, beaux-arts, musique et littérature…

1998, Claude Seignolle reçoit en compagnie de son fils Patrick et de sa fille Marie-Noëlle, la croix de chevalier de l'Ordre National du Mérite pour son action de conteur et d'ethnographe

C’est une expérience sensorielle très forte : je touche du doigt littéralement, un être ou une époque par le simple fait de m’imaginer entrer en relation familière avec tout cela.

C’est en même temps un véritable réservoir d’imaginaire qui pourrait faire l’objet de douzaines de livres.

Il faudrait plusieurs vies pour les écrire. D’ailleurs, l’histoire de l’acquisition de certains de ces documents est un véritable conte !  »


Claude Seignolle, complice du Professeur Nimbus

Les trésors de Claude Seignolle

L’antre de Claude Seignolle

Claude Seignolle, aventurier de l’étrange ?