Lu, à peine reçu, un de ces livres trésor, porteur de milliers de bouches mortes : « Promenade au travers des traditions populaires languedociennes des Cévennes à la mer » par Claude Seignolle. Editeur Maisonneuve et Larose 302 pages 21×12 cm Paru le 05 mai 2001. 21,04 Euros (138 Francs)
Les Editions Maisonneuve et Larose rééditent cet ouvrage de Claude Seignolle, rare et introuvable jusqu’à lors, paru en 1955 sous le titre « Folklore du Languedoc ». Un nouveau titre a été chaudement recommandé par l’auteur qui tient à entraîner le chercheur ou le lecteur dans une richesse de pensées, un foisonnement de paroles recueillies. « Promenade au travers des traditions populaires languedociennes des Cévennes à la mer » est un livre au style sauvage, me confie Claude Seignolle. Il possède ses coquilles comme au temps de sa première édition, il est riche des mots prononcés sans cesse naturellement et sans littérature par les témoins de temps immémoriaux, aujourd’hui disparus. En cela, ce livre est intemporel. »
Claude Seignolle submergé, s’affairant ici ou là à la réimpression de ses livres, s’accorde un répit autour du café et des biscuits secs. Comme nous partageons bien des thèmes en commun qui nous renvoient tant à nos domaines de prédilection qu’aux plus profondes contrées de France, (notre continent disparu ?), je le pousse dans les raisons qu’il peut donner à la naissance de ce livre.
« C’est à cause de Modestine ! »
– L’ânesse de Stevenson ?
– Parfaitement ! J’avais entrepris de retrouver à vélo la trace de Robert Louis Stevenson depuis Meyrueis et suivre son cheminement lorsque étape après étape, il nous faisait connaître un peu plus de Modestine et davantage des Cévenols (Voyage avec un âne à travers les Cévennes-1879-RL Stevenson).
Il y a soixante ans en 1936, 1937, Stevenson était mort depuis 1894, Claude Seignolle pensait avoir des chances de recueillir des témoignages de gens qui auraient pu le connaître. Finalement, il n’a pas suivi les traces de Stevenson pour coller à sa peau sur toute sa route, ce n’était plus l’objet. Il est resté ici et là, interrogeant cette aïeule dans le Gard, écoutant ces vieillards dans l’Hérault. Il a capté des pans entiers de la mémoire du Languedoc. A flanc de montagne, Il a ramené des chansons, des proverbes, des maximes et des superstitions. Il s’est faufilé dans des façons de vivre, auprès de gens simples et simplement riches de leurs seuls yeux aussi tranquilles que ceux du Gaspard Hauser de Verlaine.
Ce livre n’est pas « rédigé » à la manière dont Claude Seignolle écrira plus tard ses nouvelles et ses romans. Ni même comme son recueil des souvenirs des invités du « Château de l’Etrange ». Il s’agit là d’une masse brute d’informations. « La masse des roches donne des immenses plages. Le livre est la résultante des origines des grandes religions car il nous dit la parole des peuples qui par multiples maillages nous parvient à l’époque moderne où un type en vélo les récolte » Claude Seignolle sourit, son regard pétillant braqué sur mes réactions. Il ajoute : « Un livre comme celui-là est une épicerie, avec ses bocaux, ses pots de différents miels, ses herbes accrochées en herbier de santé. Des petites boîtes bourrées d’interdictions les plus variées et de solutions les plus prometteuses ».
Claude Seignolle replonge dans son travail. Un petit sourire au coin des lèvres, il me propose de méditer sur une image qui, pour lui, illustre bien la transmission de la pensée entre les générations dans une même famille : « Le petit-fils porte une culotte de velours, elle a été taillée dans le costume du grand-père ! ».
Patrick Ducôme