Contes fantastiques de Bretagne

Paris, Maisonneuve et Larose, 1969
175 pages

Le Guilvinec, Editions Le Signor, 1979
175 pages

Rennes, Editions Terre de Brume, 1995

 

On me demande de réouvrir dans le gros meuble de ma vie le tiroir aux souvenirs de Bretagne et je retrouve que j’y suis allé plus qu’à souhait dans les années cinquante ; plus que le plus déambulant des vagabonds alors que je visitai une à une toutes les écoles de chaque département pour y représenter les Editions Pédagogiques Modernes ( la firme paternelle), fabricant et diffuseur de matériel scolaire d’enseignement. Placier j’y faisais des démonstrations sur l’usage et l’intérêt de nos cartes murales présentées dans d’ingénieux bâtis de bois, ainsi que des cartes en relief de la France, paysage en plastique alors innovation bien accueillie, sans omettre nos célèbres globes terrestres, légers et immenses que tant de maîtres et écoliers bretons de ces années là ont sans doute encore en mémoire.

Mais déja bien avant, il y’avait dans mon âme de folkloriste la légende de la Mort d’Anatole Le Braz que Van Gennep m’avait fait découvrir et humer avant la guerre. Aussi lorsque Pierre Belfond me demanda dans les années soixante d’en faire un choix « grand public » limité à 500 pages pour sa collection « poche club », je bondis sur l’occasion d’extraire les meilleurs moments de l’oeuvre immense. Double effet, car ma plume se mit ensuite à frétiller, secouée par les frissons de ce fantastique populaire traditionnel, et j’écrivis mes contes fantastiques de Bretagne, autres insondables histoires terribles à reflets de passion qui finirent par composer un recueil homogène dont je suis (permettez moi) assez fier… et qui me valut par l’intermédiaire de la généreuse Dominique Besançon, gardienne de la flamme « Lebrazienne », une affectueuse rencontre avec Laure, la petite fille de Le Braz, aussitôt liée à moi par une affection réciproque – Ô Laure, si je vous avais rencontrée à vingt ans ! – et, avec la voix héritée de l’aïeul, elle me parle de Tad (le surnom d’Anatole) comme s’il allait revenir pour nous prendre par la main et nous faire traverser quelque endroits périlleux de sa légende.

Je retrouve ensuite les boîtes rondes du cinéma et de la télévision dans lesquelles gisent mes contes de Bretagne mis en image, tant en breton qu’en français : Le Miroir, Celui qui s’y frotta, Les chevaux de la nuit, l’Isabelle, Celui qui avait toujours froid et d’autres. Puis ce sont les adaptations pour la radio au « théatre de l’étrange ». Et puisque j’évoque le cinéma, rions un peu du rôle anonyme que j’y jouai. Je fus, par hasard, un des tois cents mannants médiévaux et chevelus bretons, loqueteux combattant face à Fort La Latte où on tournait les Vikings, superproduction hollywwodienne avec Kirk Douglas pour héros. Si vous regardez attentivement, je suis le plus violent hurleur du second rang, à gauche, qui galope derrière la catapulte démente sur l’â-pic d’une colline et qui se renversa si souvent au cours du tournage qu’il fallut recommencer dix fois, m’y laissant pour mort chaque fois mais me faisant connaître de grisantes résurrections. Mais pourquoi cette figuration inattendue ? Tout simplement parce que, à court de matériel humain, le régisseur du film fit du stop-embauche sur la route voisine où je musardais sans le moindre esprit belliqueux. Il est vrai que mon existence n’est faite que de rencontres bizarres et, ma foi, bien soûlantes d’aventures en tout genres car je bois la vie à grandes goulées autant que je m’efforce de tirer des flammes de la moindre brindille.

Et j’arrive à cette anthologie, si souvent reproduite aux Presses de la Renaissance en 1970 : le bouquet des contes populaires et légendes de Bretagne au succès continuel passant par Hachette, France Loisirs puis Omnibus et qui a été accueillie par des centaines de milliers de lecteurs à travers la francophonie. Livre cadeau idéal, assuré de durer tant l’amour et l’intérêt pour tout ce qui vient d’Armorique vaut son pesant de mystère et de magie attractive. Alors me demandera t’on, cette inondation livresque dans laquelle figure une grande partie de vos propres contes qui ne trahissent pas le terroir mais le magnifie, quel bénéfice moral en avez vous reçu ? Et bien, à vrai dire, je n’ai presque rien perçu… peut être dix, douze lettres de lecteurs inconnus comme disait Blaise Cendrars ; de ces lettres si précieuses que tout auteur attend, composées de mots-perles, de phrases-fleurs de quoi se faire un beau collier de reconnaissance. Dix douze lettre pour plus de 500 000 exemplaires ! Douez lettres hélas ! Douze lettres tout de même !

Claude Seignolle