Il était ce qu’Oblomov aurait incarné s’il avait été un tant soit peu plus porté à la métaphysique. Comme le Russe, il restait allongé jour et nuit sur son divan à sonder le néant et l’infini, à porter ses rêves vers des contrées plus lointaines que l’Imaginaire.

Alors qu’advint-il ce fameux jour où il ébranla enfin ce qui lui faisait office de corps et qu’il s’extirpa de son éternelle apathie ? Toujours est-il qu’il sauta à bas son trône, glissa jusqu’à un réduit où étaient entreposés de ces instruments dont usent ceux qui se soucient de leur environnement réel, puis il revint armé d’un lourd marteau dont il appliqua la masse sur l’un des murs avec une telle violence qu’une épaisse poussière satura les lieux.

Quelques minutes plus tard il avait achevé son œuvre : le mur était percé, et derrière se découvrait la rue charriant son bétail d’humains bruyants, sales, immondes, répugnants, communs, ternes, ahuris, bovins, polis, stupides, poseurs, de-leur-temps, abjects, normaux, serviles… Et il parut déçu, soudainement affligé d’une langueur qui le fit s’écrouler sous le poids d’une prodigieuse déception. Avait-il cru pouvoir véritablement accéder à un Ailleurs ? Pouvait-il s’être tant abîmé dans ses songes que sa raison aura laissé place à un idéal onirique ?

Désormais lorsque vous passerez dans la rue vous pourrez apercevoir cet individu à nouveau allongé sur son ottomane, les yeux crevés par ses propres soins, les tympans pareillement rendus dysfonctionnels, insouciant de tout et de tous, ni mort ni vivant.