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Étiquette : meurtre

Confession d’une victime de l’ennui

Je ne vous ferai pas l’affront de décrire le fiacre de nuit dans lequel se déroulèrent les évènements, vous le connaissez. Quand j’y entrai j’avais certes bu de l’absinthe, lapé quelques gouttes de laudanum ; mais combien sommes-nous à ainsi modérément sustenter notre esprit sans conséquences néfastes ? De plus j’avais été tout à fait humble dans ma consommation et le froid nocturne m’avait parfaitement remis les idées comme il se doit.

Toujours est-il que la voiture était déjà occupée par une jeune femme bien sous tous rapports, gantée de dentelles, parfumée, des soieries jusqu’au menton, les cheveux coiffés et chapeautés… Un simple bonsoir fut échangé et la voiture était déjà en branle avant qu’un silence de convenance ne nous relègue chacun à nos solitudes.

Nous avons roulé cinq bonnes minutes avant que la demoiselle ne sorte un couteau à double lame en l’agitant tout en dévoilant de belles dents blanches dans un sourire tout ce qu’il peut y avoir de sain. Je crus qu’elle désirait simplement se couper un quartier de pomme ou quelque chose dans ce goût-là, mais elle me fixa en disant quelque chose comme :  » L’ennui, voilà le grand péril d’une existence sûre et orchestrée. L’ennui, inévitable conséquence de l’œuvre et du désœuvrement, allié des métaphysiques, complice du crime, lueur des lucides. Vous, monsieur, n’avez pas l’air de le connaître, ce Lucifer des larmes sèches, ce révélateur des néants ; voilà probablement – puisque vous semblez bienveillant – voilà probablement pourquoi vous ne me venez pas en aide cependant que je suis assaillie par les vers, déjà morte que je suis, par les araignées, par les mouches, par les larves et les cafards, rongée par des vitriols en capsules qui se crèvent dans mes cheveux et dissolvent mes chairs, la peau turgescente sous l’effet des frelons bourdonnant partout autour de moi, un scarabée d’argile poudreux sur le sein. »

Et, ainsi divaguant, elle se taillada les jambes, se scalpa presque le front, s’écorcha partout où elle pouvait.

Après un instant de stupéfaction, je tentai de l’empêcher, mais elle m’attaqua. Alors je pris peur, partagé entre mon besoin de fuir et mon envie de lui interdire de se blesser. J’ouvris la porte et hélai le cocher qui fit s’arrêter l’attelage et descendit pour nous rejoindre. Je n’eus pas l’occasion de lui expliquer qu’il me fouettait déjà le visage en me traitant de criminel (et d’autres qualificatifs non moins calomnieux et mensongers). Derrière lui, le sourire de la folle (un sourire d’une absolue sincérité, le sourire d’une parfait innocence) continuait de m’être adressé, comme pour me remercier, non pas de l’avoir sauvée du suicide qui aurait pu s’accomplir, mais de l’avoir distraite de son ennui.

Le lendemain je lus l’article dans le journal, on accusait un anonyme d’avoir mutilé une innocente jeune femme – devenue muette et folle suite au violent assaut – sauvée par le cocher qui, lui, avait péri, une lame enfoncée dans le cœur. Pourtant je suis innocent ! Innocent.

Vous trouverez mon corps pendu sous le platane à l’Est du pont. Montrez-le à cette demoiselle, elle sourira, non de voir son agresseur mort mais d’avoir trompé l’ennui. Ce sera la preuve !

bear girl

Confession d’un amateur de célébrations nationales

Un seul coup de feu suffit désormais à me transcender, un seul coup de canon me transporte jusqu’aux frénésies d’une passion insoupçonnée. Me comprendrez-vous ?

Ma manie naquit lorsque, encore jeune, nous avions comploté avec ma bande pour nous livrer à ce que nous nous figurions être la plus fantastique organisation de pickpocket jamais mise au point. Nous voulions procéder ainsi : pendant que les malandrins adultes profitaient tranquillement de ce que la plupart des logis soient vidés de leurs occupants lors des feux d’artifice de la fête nationale, nous devions alléger les poches des nantis ahuris par le vacarme des détonations chatoyantes.

Le plan, mis au point par le grand Maraud-Aux-Phalanges, pourtant omettait un détail : l’hypnotisme du spectacle risquait de distraire les petites mains censées s’affairer à la rapine.

Diable ! Ces couleurs dans le ciel, ces puissances sonores païennes, ces vertigineuses vibrations… Combien puis-je comprendre les soldats revenant du front abrutis par la beauté des tirs d’artillerie. J’imaginais les oiseaux occis, brûlés dans le ciel par le feu sardonique, j’imaginais les tirs manqués fondre sur la foule pareils à des punitions divines, j’imaginais ces manifestations angéliques ou mythologiques profiter de la démonstration pyrotechnique pour s’imiter dans notre monde et l’infecter de justes malédictions.

A la première poche j’avais trouvé un providentiel revolver Apache comme en portent les membres du gang parisien. A chaque détonation je brûlai une cartouche, à chaque détonation je plantai, à chaque détonation je fracassais impunément à coup de poing métallique dans les lombaires. Je n’étais plus un simple humain, j’étais la main d’un dieu de râles et de mystères, le souffle de la Camarde invisible, aveugle et impitoyable. Je puis encore me souvenir de chaque victime, de sa silhouette illuminée de teintes vives, je puis encore ressentir la toute-puissance qui coulait dans mes veines redoutables, toutes ces victimes offertes à moi.

Depuis j’ai cessé les rapines, je me suis trouvé un emploi honorable, une famille aimante et aimée, mais, diable ! pas un feu d’artifice durant lequel je puisse m’empêcher de sacrifier au dieu du sang.

En voyage de noces et d’os brisés

 » Savez-vous si le rocher de la Loreleï est si haut et abrupte qu’on le prétend?

– Mais pourquoi me demandez-vous cela?

– Car je compte demander en mariage mademoiselle Ôttoberline, et si elle accepte de l’amener en noces sur le Rhin et à ce romantique rocher.

– Cette vieille peau richissime? Mais elle n’arrivera jamais à monter à la cime!

– Si je l’aide elle l’atteindra bien, et du moment qu’elle peut en tomber c’est tout ce qui importe. Un accident est si vite arrivé… Imaginez-moi veuf et riche à me crever les tympans de silences, noble à m’en faire rallonger le nom de deux lignes, et surtout châtelain du castel hanté de l’ÜbergottKaos. »

 

 

 

 

 » Vous allez être hanté!

– Assez riche pour être hanté dans un château perdu dans des bois maudits jouxtant une rivière où se noient maints désespérés attirés là par nul ne sait quelle œuvre… Mon rêve va enfin se réaliser! »

 

 

 

 

 

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