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Étiquette : décadence

Sauvons l’authenticité

Nous avons trouvé un véritable château hanté, perdu au fin fond d’une forêt impénétrable habitée par des esprits et d’autres fééries, alors vous pensez bien…

Nous allons tout d’abord refaire la maçonnerie, repeindre, moderniser, poncer les bas reliefs macabres, brûler les idoles blasphématoires, changer les bougies en graisse d’enfants par des ampoules électriques. Le cachot où trainent les instruments de torture et les chaines dont se servent les fantômes pour effrayer les vivants seront astucieusement rénovés en latrines payantes. Les plafonds infernaux peints avec du sang humain seront lavés et des artistes contemporains auront la charge de les moderniser afin de dynamiser l’ensemble. Nous allons aussi terrasser les terrains alentours, drainer les marécages miasmatiques où roulent les feux follets, tracer des routes bien droites, chasser les sangliers anthropophages ainsi que les loups garous puis former une équipe de jardiniers qui s’occupera de ratiboiser les sous-bois, et désherber pour que les voitures puissent s’arrêter et les chevaux se reposer, car pour éviter que les lieux ne soient dégradés il faut de l’argent, et de l’argent nous ne pouvons en obtenir qu’en organisant des visites, donc aussi employer des guides, des gardiens, des agents d’entretien… Et tout cela causerait trop de soucis aux spectres (et nous sommes trop re$pectueux pour leur infliger quelque tourment que ce soit), nous allons donc les remplacer par des vampires acclimatés à la lumière diurne. La boutique de souvenirs sera au rez-de-chaussée là où actuellement les esprits des chants errent en griffant tout le monde (ne serait-ce pas une honte de les laisser agir ? ). Nous pensons aussi installer un confessionnal afin de prévenir toute hystérie. Un hôtel sera construit non loin, juste à côté du nouveau village qui hébergera les employés et leurs joyeuses familles.

Ah ! ça va être quelque chose que cet authentique château hanté perdu au milieu de nulle part.

Dès sa naissance la civilisation ne cesse de s’éteindre

Parole à l’ami Two Gun Bob :

Lorsqu’une civilisation commence à tomber en décadence et à s’éteindre, la seule chose qui intéresse les gens, c’est de satisfaire leurs instincts charnels. Ils deviennent de vrais obsédés, et le sexe colore leur façon de penser, leurs lois, leur religion… tous les aspects de leur vie.

Les gens arrêtent de lire des romans, parce que tout ce qui les intéresse, ce sont les confessions de gens qui parlent de leurs exploits sexuels…

Mais putain ! le sexe sera partout, dans tout ce qu’on verra et entendra. Les choses se sont passées de la même façon quand Rome est tombée.

Quand la civilisation agonise, ce qui est habituellement considéré comme normal ne suffit plus à satisfaire les foutus appétits insatiables des libertins puis, en fin de compte, de tout le monde…

Parole à Harry Haller :

J’entendis l’écho d’une musique jazz endiablée, intense et brute comme le fumet de la viande crue. […] C’était une musique de la décadence, telle qu’on devait certainement en entendre das la Rome des derniers empereurs.

Decadentisme

Certains pensent que la décadence consiste à mimer la pédérastie frénétique, la préciosité ovarienne, à s’orner les lèvres du sang bien carmin d’un taureau mis à mort par trois prêtres défroqués vêtus de robes en peau de crocodile, à se pommader une fine moustache d’italien à la graisse de truie gavée de fœtus dans un monastère, à s’huiler les cheveux d’ichor de putois, à cracher des inepties d’autant plus incompréhensibles qu’elles paraitront profondes. Le décadentisme consisterait-il donc à planter des plumes de paon dans un étron? Le décadentisme consisterait-il donc à affirmer sa virilité en molestant un nain ligoté et à moitié crevé? Le décadentisme passerait-il donc par la provocation en duel de son reflet sous les applaudissements de poseurs bientôt passés de mode et remplacés par d’autres idoles putrides? … Eh bien, en définitive, oui…

Mais qui s’en soucie? Pourvu que cela puisse, à soi, éviter les affres de la pensée où conduit le désœuvrement, l’individu sera toujours prompt à s’inventer des courants dans lesquels se noyer, et plus ces courants paraitront pires que leurs prédécesseurs plus il croira qu’ils sont innovants et préférables, alors que, soyons lucides et honnêtes, cela fait bien longtemps que sous le limon on stagne… La décadence ne change ni de masque ni de visage, depuis l’aurore de la civilisation elle reste l’art de déguiser son animalité en perversités supposées raffinées. Je ne sais plus distinguer des paysans festoyant à une foire aux bestiaux de bourgeois accueillant un artiste en vogue dans une soirée mondaine.

Mais même les prudes, sous d’autres influences, sont de la même trempe, les mêmes pervertis, les mêmes répugnants monstres sous leurs masques de chairs immondes.

Il me semble que la fin-de-siècle a débuté il y a des millénaires, et qu’elle ne cessera pas de sitôt. Il me semble que bien et mal, chute et élévation, transvaluation des valeurs et conservatisme, sont mêmes choses.

 

Politique, commérages, emploi, architecture, opéra, parade, défilé de mode, éducation, scolarisation, phtisie, homéopathie, avant-garde, puritanisme, voyage…

Un signe de la fin des fins-de-siècles

« Nous couperons accessoirement tous les arbres, probablement pour que les gens ne puissent s’y pendre, certainement pour qu’on doive payer l’ombre de parasols et seulement considérer la jungle urbaine, assurément parce que nous préférons autre chose : ce dont nous sommes les démiurges.

Nous laisserons à l’abandon les architectures passées, trop pleines de fantaisies non fonctionnelles, trop peu portées au prosaïque, trop riches en ce que nous n’avons établi comme étant bon; nous les laisserons tomber en ruines, mais avant qu’elles n’aient le charme du passé oublié nous affirmerons notre mépris du vieux en les démolissant et en érigeant de géométriques machins où rien d’inutile n’a sa place, où tout est empreint d’une arrogance froide, hautaine et dépouillée, pour lesquelles nos effigies d’argiles font des « oh », des « meuh » et des « ah » extasiés.

Nous exhumerons les anciens cadavres, briserons les stèles en bas-reliefs, poncerons les anciennes inscriptions, pour installer nos insipidités à nous.

Nous repeindrons les vieilles peintures pour les mettre au goût du jour, et ce chaque jour, pour créer de l’emploi et toujours être « dernier cri »…

Nous affranchirons les esclaves pour les dominer comme tous les autres, nous libérerons les femmes pour les asservir à des carcans qui feront leur fierté comme ces mêmes carcans font et feront la fierté des hommes, nous cloisonnerons des billevesées pour donner le choix entre le gris et le gris.

Nous basanerons la pâleur et lessiverons le hâlé, nous rendrons tout accessible, tout proche, pour éviter toute surprise.

Nous créerons de l’emploi en élaborant d’indispensables inepties administratives, d’obligatoires loisirs, de cyclopéennes constructions fonctionnelles pour servir à tous les laborieux d’aller accomplir leur devoir de ne rien faire, mais ne rien faire en quantité, de manière vérifiable, qu’il doive avoir peur de ne rien faire mal et de devoir ensuite se faire licencier pour se retrouver à ne rien faire chez lui mais sans être payé!

Nous ferons en sorte que le voyage ne soit synonyme que de déplacement physique monnayable, tout le monde oubliera que son esprit est libre d‘ailleurs et d’autre.

Nous ferons croire que dans le passé rien n’existait, que tout y était si archaïque que les roues étaient carrées, et tout le monde nous croira, et tout le monde regardera devant lui, le bout de son nez, en louchant fièrement – car « il faut vivre l’instant présent », ne porter le regard nulle part ailleurs qu’ici et maintenant, ici qui est le centre du monde, maintenant qui est le point culminant des temps, l’estuaire du cours cosmique, car le cosmos c’est nous. On fera du modernisme la nouvelle religion – pour cela nous nous appuierons sur les monothéismes dérivés de la bible, eux qui ont déjà érodé la plupart des cultures – on ne croira plus qu’un dieu a tout créé pour soi, mais on ne doutera pourtant pas que tout est effectivement créé pour soi, cela ne changera rien mais on croira que cela change tout.

Pour le monde de demain, pour la destruction du passé, pour la fin des fins-de-siècles, quelles qu’elles soient, hourra la modernité. »

 

Une machine à figer le temps

Je cherche une association qui militerait contre le voyage dans le temps : abattons le dernier arbre d’Amazonie,  que tous les littoraux soient inondés après que les calottes glacières aient fondu, que tout le monde soit au chômage et sidaïque, mais qu’au moins l’idée d’un passé (aussi chimérique soit-il) où il n’aurait pas fait trop mauvais vivre reste préservée.

Les fins-de-siècles se suivent mais ne se ressemblent pas.

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