Faut-il imaginer Sisyphe heureux? Un individu anodin satisfait d’œuvrer absurdement, comme n’importe quelle bête de société… Pourquoi pas. Après tout, pour s’en convaincre il suffirait de contempler les sourires qui ornent les lèvres de nos congénères usant de leur conscience et de leurs aptitudes analytiques avec autant de succès que des taupes usant d’un traité d’astronomie; tous contentés par leurs jours vains succédant à leurs jours absurdes. Pourquoi Sisyphe serait donc différent?

Mais je n’y crois tout de même pas : Sisyphe était un malin et un insoumis, il l’a bien démontré. M’est avis qu’il était certes plus ou moins heureux mais seulement parce qu’il ne se contentait pas de monter son rocher à la cime de la montagne pour le voir dévaler jusqu’en bas… et recommencer. Je pense qu’il avait non pas sublimé son tourment mais qu’il l’avait métamorphosé en amusement : A chaque ascension il devait probablement placer tout le long de la pente des choses à écraser, des corps, des amphores, des armures, des troncs, des œuvres d’art, des miroirs, et maints autres objets. Ainsi, succédant presque instantanément à chaque déception de voir le rocher retomber, il pouvait se réconforter en se délectant de la vue et de la mélodie de la destruction. Rien n’est plus délectable que la destruction.

Pas moins absurde que la tâche initiale, ne justifiant en rien de perpétuer sa laborieuse existence d’esclave, mais une certaine expression de la liberté.

… Ainsi « la vie continue »

« Pfeuh, pfeuh » cracha le syphilitique en jetant des pavés au hasard dans des devantures des magasins fermés.

 

Il n’y a peut-être qu’un seul problème philosophique vraiment sérieux, la première question est de savoir que détruire.

 

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