» Allons mon vieux, ça va aller, tout passe. Je me rappelle quand lors d’un déplacement j’ai lu dans les journaux que ma ville avait été la proie d’un grand incendie, qu’il y avait eu de nombreuses victimes, que de la plupart des maisons il ne restait rien ; je pensai alors avoir tout perdu, je me serais pendu si j’avais eu une corde. Et imaginez mes émotions lorsque, arrivant dans ma rue, je vis les cadavres gisant carbonisés sur le pavé fendu par le brasier, tout en cendre, tout recouvert d’une éloquente noirceur… je tremblai des pieds à la tête de bonheur en découvrant que ma maison avait été épargnée!

– Mais, monsieur, moi cela n’a rien à voir : ma gangrène a atteint la poitrine, je vais mourir, je tente de vous l’expliquer depuis plus d’une heure!

– Tout a à voir avec tout, du moins je crois… Oh! et puis moi je vous raconte mes mésaventures pour vous remonter le moral et vous, vous me plombez l’humeur avec vos jérémiades et le parfum miasmatique de votre gangrène. Et votre gangrène, qu’est-ce comparé aux efforts que j’ai dû déployer pour trouver dans mon quartier dévasté un larbin en bon état pour laver mes vitres noircies par l’incendie, vous y pensez un peu? Hein ! Mourrez en faisant au moins preuve de compassion ! Voilà, vous avez gagné : je ferme le loquet, ainsi le curé ne pourra pas vous donner les derniers sacrements, vous l’avez bien cherché, avouez! Mais n’ayez crainte, tout passe, votre effroi et votre désarroi vont bientôt disparaître, contrairement à moi qui devrai supporter d’avoir à tourner la clef et la poignée, marcher jusque dehors et accomplir tout ce que l’on accomplir faire pour vivre… Vous n’êtes pas à plaindre. Vous ai-je raconter quand j’ai eu un ongle incarné au pouce? […] »

 

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