BellaDonna, un conte ridicule

Le pauvre Arturo n’était pas seulement fils d’un danseur de sabotage (comme on dit dans le Bolzano) et d’une tanneuse de peaux de dahuts, il était aussi fort laid, fort puant, fort maigre, fort manchot et fort bigleux. Ses cheveux étaient gras même lorsqu’il rasait son crâne à blanc, ses dents restaient jaunes même lorsqu’il les blanchissait à la chaux, et son haleine putride paraissait insupportable même aux chiens morts. Heureusement pour lui il n’était pas affligé d’un bec-de-lièvre, bien que son museau parut un groin de porc davantage qu’élément anthropoïde.

Alors lorsque Donna, la plus belle jeune femme de la contrée, passa avec son vendeur d’étoffes de père, il ne rêva même pas qu’elle lui accorda un seul regard. Pourtant la destinée suit d’étranges chemins et un matin Dona frappa à la porte de la famille de Arturo. Ce fut lui qui ouvrit, et ce fut de lui qu’elle s’éprit, ce fut à lui qu’elle pria d’accepter la dote qu’offrait son père.

Arturo était un sot, mais il avait pris l’habitude des traquenards comme parfois même peuvent en prendre les mouches coprophages. Il pensa qu’il y avait anguille sous roche, voire vipère sous le banc, voire couleuvre dans la gorge, il pensa que Donna était fille de mauvaise vertu arrivée au point de devoir se lier à un pourceau pour avoir bague au doigt. Il la mena donc à la légendaire Clairière des chastes, que seules les roulures peuvent passer sans se transformer en fleur.

Ah ! Arturo fut bien heureux que Donna ait pris racine, désormais il pourrait l’épouser, cette belle fleur. Il l’arracha donc de terre, la mit dans sa besace et repartit pour chez lui. Mais en route il se rendit compte que son sac était troué et que les pétales se séchaient plus rapidement que prévu. Vite, vite ! Il avala la belle Donna pour ne pas la perdre, et en rentrant chez lui, les yeux grands ouverts et bien noirs, il conta son aventure et sa fortune, et tout le monde attendit que le futur marié eut fini son transit pour récupérer la belle fleur, la parer d’une robe blanche immaculée et la faire passer devant le curé.

*

Si toi aussi tu croises une Belladonna, n’hésite pas, croque-la!

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