« Et si nous allions changer le monde?
– En bien ou en mal?
– Posons la dynamite, nous verrons bien ce que ça donne. De toutes manières en bien ou en mal le monde ne change jamais vraiment, toujours les mêmes faces de hareng pour parlementer. Ce qu’il faut c’est faire danser les gens, les envoyer valser, et pour cela quel meilleur moyen qu’une explosion? »
On ne le répètera jamais assez : il n’y a rien à répéter, seulement à faire péter! De toutes manières tout le monde se plaindra toujours, pourquoi donc se donner la peine de tenter de changer quoi que ce soit si ce n’est pour que tout le monde soit toujours aussi déçu, déçu de manière différente mais toujours déçu, toujours le même râleur grégaire au sein du même troupeau, toujours les mêmes imitations chantées d’étourneau? Formons un orchestre d’artificiers et faisons danser le tsar et tous ses successeurs, les politisés, les moutons de concerts, les morts-vivants de salons, les philanthropes, les associations, les groupes de mégères, les prophètes, les institutions, les chercheurs, les perdus, les perdants, les gagneurs; pourvu que ça valse, tambourinons! Explosons la glace des fleuves où ne vont pas danser les endimanchés mais seulement divaguer, explosons les ponts où roulent les tonneaux de kvas, les isbas où roulent les familles ivres, explosons les litanies saintes, les répétitions impies, les gants de mirliflores, les inlassables sifflements du vent, garnissons les samovars de liquide nihiliste, faisons gober des bâtons explosifs aux hommes de trop ainsi qu’aux hommes de moins, et plaçons des bocaux de la sainte trinitrine près d’un souffle d’explosion, explosons l’explosion, que s’écroule l’arbre qui soutient le monde.
Extrait du journal d’un « superflu » comme se nomment entre eux les russes du Club des amis de la trinitrine
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