La lueur des becs de gaz se reflétait en une étrange couleur glauque sur le pavé humide, une teinte entretenant les ténèbres, soulignant l’obscurité environnante, enlinceulant les alentours toujours plus improbables, moins suspects, absents.
Et le temps s’écoula, le présent sombra dans le passé, s’abîmant de plus en plus profondément.
Désormais le soleil ne baignait pas la contrée, non : tout comme les formes et les couleurs il s’y engloutissait, inhumé dans les épaisses brumes ondoyant sans passion ni raison en dessinant des silhouettes éthérées, cyclopéennes, divines et menaçantes. Quand je marchais il me semblait que le sol n’était plus et que tout mon corps était soumis à une pression négative. Lorsque je m’arrêtais j’entendais des murmures bruire partout avec hostilité. Mais au-delà je savais que…
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Réalité : Épreuves rendent plus fort. (Mais à quelle fin ?) – Soumission à la chimérique quête du bonheur.
Imaginaire : Choisir son époque, même impossible, même fragmentaire. Tout y est plus beau : les paysages, les femmes, les arts, les couleurs, les musiques, les folies, les bizarreries, etc. Tout y est plus pur, ou plus idéal, ou plus étrange, ou moins ci, ou plus cela, au choix. Liberté d’être qui l’on souhaite, d’être ce que l’on désire, d’être tout le monde ou même personne. Liberté de faire taire qui l’on veut, de faire stopper n’importe quelle situation. Possibilité de planer, de plonger indéfiniment, d’acquérir ou perdre des sens. Etc. Etc.
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Ce furent donc les deux missives que nous trouvâmes. Dans un récit imaginaire nous les aurions évidemment découvertes dans un logement vide, mais le pauvre bougre était toujours là, catatonique. Lui dont certains disaient qu’il préparait le casse du siècle (il voulait voler toute la fin-de-siècle) n’aura même pas su effacer les preuves de son existence.
Certains niais optimistes clameront qu’il a néanmoins déserté son corps : qu’ils aillent lui verser du jus de citron dans l’œil, ils verront s’il n’est pas encore là.
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Mais même en début de siècle…
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