Charles K. s’est toujours vanté de n’avoir fait qu’une seule chose dans sa vie : se mettre en quête d’un Si # qui ne soit pas un Do. Son existence entière était dictée par cette quête, à travers le monde il voyagea, du Japon aux cimes du Pérou, de la péninsule de Crimée aux temples Ethiopiens, allant aux opéras, aux conseils des tribus, aux concerts, partout où un son musical volontaire pouvait être modulé de manière plus ou moins harmonieuse…

 Puis un jour je le vis las, épuisé, pathétique, presque les larmes aux yeux. Il m’avoua qu’il avait enfin découvert la note tant convoitée, bien qu’il n’ait jamais été doué de l’oreille absolue ni de quelque notion de solfège bien approfondie, mais il avait pénétré cette note exceptionnelle avec autant de certitude que lorsque l’on pénètre un rêve lucide, découvrant de nouveaux horizons, des champs d’études inimaginables, mais sa quête étant tout de même arrivée à son terme sa vie n’avait plus aucun sens. « A quoi bon errer au Paradis après avoir vécu l’intransigeance, il n’y a plus rien face à quoi s’extasier. Les prisonniers de longue peine, les bagnards, toisant l’horizon en rêvant, savent à quoi je fais allusion : les merveilles factuelles, aussi abondantes soient-elles, ne sont rien face au désir et à l’attente. »

 Le lendemain je trouvai son enveloppe charnelle flasque, au même endroit, mais la vie l’animait hélas toujours. Par toutes les sciences, quelle dissonance cosmique se cache derrière le Si # pour que le trépas de Charles K. fut bouleversé au point que ce ne fut pas son âme qui quitta son corps mais ses os ?

Please follow and like us:
0
20
Pin Share20